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Médiation civile ou commerciale
 

 

 

 

Le terme de médiation recouvre une multitude de procédés très divers, qui vont de la médiation institutionnelle mise en place par l’Etat ou les collectivités territoriales ou les grandes entreprises, destinée à régler les conflits avec les usagers, à la médiation sociale destinée à aplanir les difficultés de la vie quotidienne dans un espace public, ou à la médiation culturelle, qui a pour objet d’informer les visiteurs d’une exposition ou d’un espace artistique.

Dans un contexte juridique, la médiation est un mode alternatif de règlement des conflits (M.A.R.C. ou en anglais, alternative dispute resolution, A.D.R.) qui permet de soustraire un litige au traitement juridictionnel. Depuis la transposition de la directive européenne du 21 mai 2008 par l’ordonnance du 16 novembre 2011, et depuis l’introduction dans le code de procédure civile, par décret du 20 janvier 2012, d’un livre VI consacré aux modes alternatifs conventionnels de règlement des différends, on privilégie la dénomination de modes amiables de résolution des différends ( MARD).

La médiation est un processus structuré de résolution amiable des conflits par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord durable sur la solution de leur différend, avec l’assistance d’un tiers indépendant, impartial et compétent, le médiateur, choisi par elles parmi des personnes qualifiées ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige.

Le médiateur se différencie d’un juge ou d’un arbitre en ce qu’il n’a aucun pouvoir de décision, ni la même autorité. Il intervient pour guider l’analyse par les parties du conflit qui les oppose, les aider à en dénouer les difficultés et faciliter le choix d’une solution procurant un bénéfice mutuel.

Le domaine de la médiation est vaste : il concerne la famille, les droits patrimoniaux, les régimes matrimoniaux et les successions, les relations commerciales entre les entreprises ou avec une entreprise, les relations de travail dans l’entreprise, la rupture des relations de travail, les relations de copropriété ou de voisinage, les problèmes de construction ou d’environnement, les atteintes à certains droits de la personne tels que le droit à l’honneur ou le droit à l’image. Ainsi la médiation peut être civile, familiale, patrimoniale, commerciale, sociale. Elle peut même étendre son domaine aux relations avec les personnes publiques et prendre un caractère administratif.

Il existe une forme pénale de la médiation qui obéit à des règles différentes. C'est pourquoi elle est examinée séparément (voir Médiation pénale).

La médiation peut être, soit un moyen de ne pas recourir au procès, soit un moyen de sortir du procès. Dans le premier cas, la médiation est conventionnelle (I) ; dans le second cas, elle est judiciaire (II)

Qu’elle soit conventionnelle ou judiciaire, la médiation a pour effet de suspendre le cours de la prescription en matière civile, pendant toute la durée de son déroulement (article 2238 code civil). La prescription est suspendue soit à compter de la convention de médiation, soit à compter de la première réunion de médiation.

 

I - MEDIATION CONVENTIONNELLE 

 

La médiation conventionnelle a bénéficié d’une importante consécration législative, à la faveur de la transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 par l’ordonnance du 16 novembre 2011, qui a modifié notamment la loi n° 95-125 du 8 février 1995, et par le décret du 20 janvier 2012 qui a inséré dans le code de procédure civile un livre supplémentaire dédié à la résolution amiable des différends (cités en rubrique Législation Médiation). Elle a bénéficié d’une incitation supplémentaire, par un décret du 11 mars 2015 qui impose la mention, dans l’acte initial de saisine du juge (assignation, requête ou déclaration au greffe), des « diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige »

Bien que la médiation ne soit pas une procédure, au sens juridique du terme, son processus n’en est pas moins « structuré » (article 21 de la loi du 8 février 1995, article 1530 code procédure civile), de sorte qu’il est soumis à quelques principes directeurs qui en forment la trame ou la méthode.

 

A - Principes directeurs de la médiation 

 

1°) Le premier principe est celui de la liberté. Sauf s’il existe une clause contractuelle de médiation, les parties sont libres de recourir à la médiation, et de choisir le médiateur. C’est une différence majeure avec la justice étatique, dans laquelle il est de règle que le plaideur ne choisisse pas son juge. Le choix du médiateur est libre, sous réserve que la personne choisie satisfasse aux exigences de compétence et d’honorabilité prescrites par la législation (article 1533 du code procédure civile - voir en rubrique Législation médiation conventionnelle). Le choix peut être direct ou effectué par l’intermédiaire d’un centre de médiation auquel le médiateur est affilié. Dans un cas comme dans l’autre, le principe de liberté autorise les parties ou l’une d’elles à se retirer si elle ne s’estime pas suffisamment intégrée au processus de la médiation. Le médiateur est également susceptible d’interrompre le processus si à un moment donné, il ne s’estime plus en mesure de poursuivre sa mission. La liberté de retrait des parties a pour corollaire la liberté du médiateur.

 

2°) Le deuxième principe directeur de la médiation est celui de la confidentialité. Alors que la justice étatique est placée sous le signe de la transparence et de la publicité, la médiation, à l’instar de l’arbitrage, est secrète (article 21-3 de la loi du 8 février 1995, 131-14 code procédure civile). On pourrait avoir la tentation de comparer ce secret à celui de l’instruction pénale, ne serait-ce que pour le relativiser. La règle est absolue pour le médiateur : il lui est formellement interdit de faire état des informations ou des déclarations qu’il a reçues dans le cadre du processus, sous peine de violation du secret professionnel (article 226-13 code pénal). Il suit de là que le médiateur ne peut pas être appelé à témoigner.

A l’égard des parties, la règle est moins stricte. D’abord parce qu’il leur est permis d’y déroger par un accord contraire de non confidentialité inclus dans la convention initiale de médiation. Ensuite parce qu’après échec du processus, il est encore loisible aux parties de décider, d’un commun accord, de lever le secret de la médiation devant le juge ou devant l’arbitre saisi du conflit. A défaut d’accord dérogatoire, la règle demeure : il est interdit aux parties de faire état des déclarations reçues et des documents produits en médiation. Le juge ou l’arbitre est tenu d’écarter des débats les pièces produites en violation de cette règle. Encore faut-il sans doute réserver le cas des pièces qui constituent le fondement de la demande (bon de commande, contrat de vente, contrat de bail par exemple).

Le législateur a prévu deux dérogations expresses au principe de confidentialité (article 21-3 de la loi du 8 février 1995) :

« a) en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne ;

« b) lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution. »

Dans ces deux cas, le médiateur et les parties sont affranchies du devoir de secret. Les exigences de protection de l’intérêt de l’enfant ou de l’intégrité de la personne peuvent même entraîner une obligation de dénonciation.

 

3°) Le troisième principe directeur de la médiation concerne la loyauté des échanges, qui impose la sincérité, l’écoute réciproque, la courtoisie des échanges et la non-interruption des locuteurs. Il est essentiel au bon déroulement de la médiation que le médiateur puisse écouter chaque partie et que chaque partie prenne le temps d’écouter l’autre sans l’interrompre. Le médiateur accorde la parole à chaque partie qui le souhaite, à tour de rôle, de manière équivalente. Cette égalité de traitement est essentielle à la loyauté de la discussion. Elle implique la patience d’écoute de chacun, la sérénité de la discussion, et un respect mutuel des intervenants.

 

4°) Un quatrième principe distingue la médiation de la procédure. Alors que le procès, l’arbitrage ou l’expertise sont gouvernés par le principe de contradiction, la médiation obéit au principe inverse de non-contradiction. Cela ne signifie pas que la médiation soit soumise à un principe inquisitorial. Par essence, elle exige des échanges contradictoires, sans lesquels elle n’a aucune chance d’aboutir. Mais le médiateur n’est pas obligé d’avoir toujours recours à des entretiens communs à toutes les parties. Il lui est loisible d’avoir recours à des entretiens séparés, à des apartés ou caucus avec l’une ou l’autre des parties. L’aparté a pour objet de dénouer les fils de la négociation, de mettre en évidence les intérêts, besoins, préoccupations, valeurs, motivations de chaque partie, pour approfondir les données d’un conflit dont le litige n’est que l’élément apparent, comme la surface émergée d’un iceberg.

L’aparté permet un dialogue interactif entre le médiateur et la partie médiée. La teneur de l’aparté est totalement confidentielle. Le médiateur ne peut pas en faire état, sauf s’il y a été expressément autorisé par la partie concernée. C’est en principe à celle-ci de révéler la teneur de l’aparté, dans le contexte d’une réunion plénière des médiés et du médiateur. La révélation n’est pas obligatoire. La seule contrainte concerne le médiateur, qui doit veiller à préserver l’égalité de traitement des parties, et à leur accorder les mêmes temps d’entretiens communs ou séparés. 

5°) Un dernier principe directeur découle des précédents : la maîtrise du règlement du conflit appartient aux parties.

C’est pourquoi la médiation se déroule par étapes, selon les phases du cycle décrit par le professeur Thomas Fiutak («Le médiateur dans l’arène», écrit en collaboration avec Gabrielle Planès et Yvette Colin) auquel souscrivent la plupart des médiateurs. Le processus permet aux parties de prendre conscience des éléments du problème qui les a opposées, de faire un effort de reconnaissance réciproque, encouragé par le médiateur, et de trouver elles-mêmes la solution mutuellement satisfaisante pour y mettre fin. 

B - Convention de médiation 

Lorsqu’elle est dite conventionnelle, la médiation trouve sa source dans un contrat entre les parties.

Par dérogation au principe de liberté qui a été énoncé en premier, il est possible que les parties soient préalablement liées par une clause de médiation insérée dans un contrat civil ou commercial. Cette clause leur fait obligation de recourir au processus de la médiation avant d’entreprendre toute action judiciaire et même toute instance arbitrale. Par exemple, il peut être stipulé dans un contrat que «tout différend qui naîtrait de l'interprétation, de l'exécution, de l'inexécution, ou des suites, ou conséquences du présent contrat sera soumis à médiation, préalablement à toute action judiciaire ou arbitrale ». Les clauses types font généralement référence au règlement d’un centre de médiation auquel les parties déclarent adhérer, comme le CMAP ou l’IEAM ou le CERC.

L’introduction d’une instance judicaire ou arbitrale en méconnaissance d’une telle clause expose son auteur à une fin de non-recevoir et à l’irrecevabilité de l’action. La Cour de cassation a jugé dans un premier temps que cette fin de non-recevoir pouvait être régularisée en cours d’instance, mais par un arrêt de Chambre mixte du 12 décembre 2014, elle a proscrit cette régularisation (voir la rubrique Jurisprudence de ce site).

La clause de médiation ne dispense pas d’établir une convention de médiation, dont la forme est laissée à l’initiative des parties, de leurs conseils, du centre de médiation dont le règlement de médiation doit être appliqué, ou du médiateur pressenti par les parties ou l’une d’elles.

La convention conclue entre les parties et le médiateur investit le médiateur de sa mission, précise l’objet de la médiation, les modalités de mise en œuvre du processus, et les modalités de rémunération du médiateur. Une convention type est proposée sur ce site par PGMA. Elle peut servir de modèle.

Lorsque la convention est conclue sous l’égide d’un centre de médiation, elle peut être très brève. Par exemple, la convention type du CMAP se borne à énoncer :

« Les parties ci-dessus mentionnées conviennent de régler leur différend par voie de médiation, conformément au règlement de médiation du Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (39, avenue F. D. Roosevelt– 75008 PARIS), règlement auquel elles déclarent adhérer. Elles acceptent la désignation par la Commission d’agrément et de nomination de …. en qualité de médiateur. »

L’Institut d’expertise, d’arbitrage et de médiation (IEAM) admet le choix d’un médiateur figurant ou non sur ses listes qui accepte expressément de respecter le règlement de médiation de cet Institut.

Le Cercle européen de résolution des conflits (CERC) consacre aussi une partie de son règlement à la médiation. Il laisse au médiateur le soin d’établir la convention de médiation. 

 

II - MEDIATION JUDICIAIRE 

 

La médiation judiciaire a bénéficié d’un encadrement législatif bien avant la médiation conventionnelle. Elle a été instituée par la loi précitée du 8 février 1995, et insérée dans le code de procédure civile par le décret du 22 juillet 1996, aux articles 131-1 et suivants (voir en rubrique Législation Médiation judicaire).

A la différence de la médiation conventionnelle, la médiation judiciaire n’est pas d’origine contractuelle, mais d’origine juridictionnelle, en ce sens qu’elle est prescrite par une juridiction. Celle-ci peut être collégiale, comme une formation du tribunal de grande instance, du tribunal de commerce, du conseil de prud’hommes, du tribunal paritaire des baux ruraux, du tribunal des affaires de sécurité sociale, ou encore de la cour d’appel. Elle peut être aussi constituée par un juge unique, comme le juge des référés, le juge de la mise en état, le juge aux affaires familiales, le juge d’instance, le juge des loyers commerciaux, le juge de l'exécution, le conseiller de la mise en état.

Avant d’ordonner la médiation, la première obligation faite au juge judiciaire est d’obtenir l’accord des parties. Ceci nécessite une démarche particulière du juge, sur laquelle le Groupement européen des magistrats pour la médiation (GEMME) a entrepris une campagne de sensibilisation. Il est clair, en effet, que l’orientation de l’affaire en médiation est subordonnée à une initiative du juge saisi du litige, qui doit informer les parties de la possibilité de résoudre leur conflit à l’amiable. Cette information peut être à la fois systématique et ponctuelle.

Le GEMME préconise une information systématique, sous la forme d’une lettre ou d’une note d’information à adresser à tous les justiciables. Une variante d’information consiste à envoyer les mêmes données sous forme de notice et d’un questionnaire invitant la partie à faire savoir au greffe, après avoir pris connaissance des informations, si elle désire ou non aller en médiation. Ce système implique, au-delà des magistrats, la collaboration active des fonctionnaires de greffe, qui n’ont pas toujours les moyens matériels et humains d’assumer cette surcharge de travail.

C’est pourquoi le GEMME a été amené à concevoir un argumentaire pour informer et proposer la médiation à l’audience. La démarche du juge suppose en préalable la sélection des dossiers susceptibles d’être orientés vers la médiation. L’ordre public peut constituer un obstacle à cette orientation, de même que la nécessité d’une solution juridique à une question de principe. En revanche, l’inéquité d’une solution juridique, les lenteurs prévisibles de la procédure, l’existence probable d’un malentendu, la perspective de concessions réciproques, le besoin de confidentialité, l’intérêt commun de la poursuite ou de la reprise de relations commerciales, la spécificité des relations individuelles du travail constituent des facteurs d’orientation en médiation.

En matière familiale, la question de la sélection des dossiers devrait moins se poser, puisque la loi permet au juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial, dans les affaires de divorce, séparation de corps, autorité parentale (articles 255 et 373-2-10 du code civil). L’injonction peut suivre une proposition de médiation demeurée sans effet. Elle a un caractère contraignant qui équivaut à celui de la clause contractuelle de médiation. Un décret du 12 novembre 2010 a même organisé la pratique de la double convocation des parties, devant le médiateur et à l’audience judiciaire du JAF, de manière à mettre en évidence le lien entre les deux voies et la nécessaire exploitation des résultats de la phase de médiation par le juge. Bien que ces dispositions aient vocation à être mises en œuvre par toutes les juridictions, notamment à Paris, un arrêté du 16 mai 2013 en a limité l'expérimentation aux tribunaux de grande instance de Bordeaux et Arras. A Paris, la double convocation fonctionne de manière empirique. Les chambres sociales de la cour d'appel de Paris, compétentes en matière de litiges individuels du travail, ont organisé une permanence de médiateurs à l'audience. 

La décision ordonnant la médiation désigne le médiateur, fixe l’objet de la médiation et détermine les modalités de rémunération de la mesure, qui peut être prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle.

Si la mise en œuvre de la médiation judiciaire diffère ainsi fondamentalement de la médiation conventionnelle, notamment sur le choix du médiateur, les principes directeurs de cette médiation demeurent les mêmes que ceux de la médiation conventionnelle (voir supra I-A). Certes la médiation judiciaire ne dessaisit pas le juge, mais celui-ci n’exerce aucun contrôle direct sur le déroulement de la médiation. Il prévoit le rappel de l’affaire à son audience. Les parties ont, avant l’échéance, la faculté de se désister de leur action et de l’instance. Elles peuvent aussi demander au juge - et c’est sans doute préférable - d’homologuer leur accord. A défaut d’accord, elles reviennent devant le juge pour poursuivre l’instance.

La prescription, interrompue par la décision instituant la médiation, et suspendue à compter de la première réunion de médiation, reprend son cours à compter de l'homologation de l'accord de médiation ou à compter du constat d'échec de la médiation.

 

  P.G.





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